« À toutes fins utiles, je te signale qu’elle adore les roses », lui murmure un jour Odile.
Peu à peu, cette histoire de roses lui entre dans la tête et ne le quitte plus. Le symbole a beau être suranné et un peu démodé, rien n’y fait. Cela tourne à l’obsession. Offrir une rose, c’est simple, mais trop simple quand on a, comme lui, tendance à vouloir compliquer les choses. Au lieu d’en acheter une chez le fleuriste du coin, il préfère, paire de ciseaux de bureau en poche, aller la cueillir dans le splendide rosier qui fait la fierté de Christian, le mari d’Odile.
« Le bibliothécaire, après s’être assuré que nul n’approchait – la réverbération du soleil l’empêchant apparemment de discerner Christian – saisit précautionneusement, entre le pouce et l’index, la plus belle des roses, et, d’un coup de ciseaux, en sectionna la tige. »
Funeste décision, prise sans compter sur le cœur fragile de Christian. Et acte irréparable qui va déclencher une cascade d’événements imprévus (crise cardiaque, faux cambriolage, débandades en tous genres) que Luc Blanvillain narre avec calme et gourmandise. Il s’amuse tout en gardant une certaine distance et en portant un regard bienveillant sur ces personnages qu’il ne ménage pourtant pas. Il ne se moque pas, ne les juge pas. Ce qui attire son attention, ce sont leurs travers, leurs particularités, leurs indécisions contrebalancées par d’inattendus coups d’éclat et leur grande vulnérabilité.
Si la rose, et sa symbolique qui traverse les siècles et la
littérature, est présente au centre de ce roman, elle l’est aussi parce
que sous le velours apparent de ses pétales se cachent quelques épines
capables de blesser. Simon Crubel, le bibliothécaire amoureux, peu sûr
de lui, rêveur au long cours, va l’apprendre à ses dépends. Et, en
contrepartie, se doter d’un zeste de force mentale qui l’amènera à
remiser ses désillusions au placard.
L’impeccable et haletant roman de Luc Blanvillain ne mollit jamais. Il
avance, libre et léger, de page en page, tenant haut son fil narratif,
avec à bord une dizaine de personnages attachants qui s’offrent (sortant
ainsi de leur morosité quotidienne) des aventures inespérées et de
belles montées d’adrénaline.
Luc Blanvillain : Sur les roses, Quidam éditeur.
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