vendredi 16 août 2024

Michel Dugué

 « En contre-bas de la lande, les vagues se fendent. Je pourrais marcher des heures. Suivre la côte sans essoufflement. Je n'aurais croisé – du moins en dehors des mois saisonniers – personne. De ces moments-là, je tire un silence intérieur. Et, imperceptiblement, j'avance dans le silence. Ce n'est pas que la mer se soit tue, que le vent soit tombé, que les oiseaux se soient envolés. Mais la diversité des bruits s'est évanouie. De sorte que chaque son s'est disposé afin de tisser une mélopée, toujours la même, et qui m'accompagne. Ainsi suis-je parvenu au silence, au point de n'entendre que lui. »

Les mots ne me viennent pas pour dire la mort de l'ami. Et l'ami, lui-même, me murmure de rester discret. De respecter ce silence qu'il appréciait tant. Et de laisser la mer – qu'il aimait tout autant et qui l'a vu partir – rouler ses vagues, comme elle le fait depuis la nuit des temps, en modulant sa respiration, forte ou haletante, paisible ou tempétueuse, sur les rochers de cette presqu'île qu'il connaissait bien.

« Je connais chacun des sites de cette bande côtière. Il m'arrive rarement de me tromper sur le nom d'un rocher. J'ai pris le temps de rêver sur la carte marine : de l’Île Grande aux Héauts. J'ai aussi accompagné des pêcheurs derrière la Grande-Pierre en direction de l'archipel des Sept-Îles, ou alors entre la pointe du Château et l’Île d'Her. Parfois nous l'avons dépassée et sommes allés au large, bien au-delà de la chaussée des Renauds. »

On imagine qu'il a été victime d'un malaise alors qu'il se baignait du côté de Pors-Hir, ce mercredi 14 août dans l'après-midi.  Seule la mer pourrait nous en dire plus. Mais elle aime garder ses secrets.

Mais il y a la mer, disait-il, titrant ainsi l'un de ses livres. Aujourd'hui, ce titre résonne tout particulièrement en moi. Et il agit sans doute de même pour tous ceux, toutes celles qui appréciaient l'homme et le poète Michel Dugué. Il nous laisse ses poèmes, ses récits, son roman (Un hiver de Bretagne). À lire et à relire pour poursuivre la route à ses côtés.

Michel Dugué : Mais il y a la mer (extraits ci-dessus), Le Réalgar.



3 commentaires:

  1. Oui grande tristesse à la nouvelle de la mort de ce poète, rare et discret. Relisons Michel Dugué, un poète dont l’écriture est si justement accordé à son territoire côtier. Il avait trouvé la mélopée qui met en harmonie la mer, le vent et le silence intérieur.

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  2. Merci Cher Jacques de ces lignes à propos de Michel. Très belles et justes. Il avait écrit aussi en 1969 «  La mer, la mort ». ( Éditions Encres Vives ). Amitiés. Dominique et Claude

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  3. Un texte d’une grande justesse pour rendre hommage à l’ami et au poète disparu qui a tant aimé la mer…

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