Dès le prologue, le ton est donné. Le poète Dubost fait flèche de tout
bois et l’imparable mécanique de la langue qui est sienne chauffe,
bruisse, frémit, se cabre, respire amplement, s’embrase et emporte le
lecteur. À lui de prendre la mesure de ces agapes joyeuses, savantes et
gourmandes qui lui sont offertes. Il y a, comme annoncés, des
assemblages, « composés après fermentation en fût céphalique », et
d’épiques ripopées en Centre-Val de Loire, mais aussi des mets et des
saveurs raffinés qui réclament des breuvages appropriés, des corps en
émoi qui ne souhaitent pas en rester là, des vins issus des meilleurs
cépages qui roulent dans la bouche et des larmes de vie qui glissent
sur le rebord des verres. Il y a, servi sur table copieuse, tout ce
qu’il faut pour étancher les soifs et pour rassasier les estomacs
quémandeurs. Le festin se déguste page à page, chacune comportant son
texte, qui court d’un seul tenant, trouvant sa tonalité, son rythme, sa
dynamique noueuse, nerveuse et tendue sans point ni retour à la ligne,
un tiret annonçant, simplement, la fin du poème.
« poèmes faits d’assemblages de différents terroirs lexicaux et
champs sémantiques favorisés cependant par une bonne exposition aux
dictionnaires, aux documents et aux dires d’hommes du cru ; ainsi beuvez toujours, vous ne mourrez jamais – »
Les textes réunis dans cet ouvrage ont été élaborés et écrits suite à
des séjours en différents lieux, là où Jean-Pascal Dubost, invité en
résidence, a questionné la terre, les hommes, l’histoire, les sous-bois,
les ceps, les vignes, les humeurs du ciel ou du sol et l’apport des
mémoires collectives pour mieux s’en imprégner. Ce fut le cas dans la
Drôme, aux alentours de Montélimar, ou au prieuré Saint-Cosme, où vécut
Pierre de Ronsard, qui, vingt ans durant, en fut le prieur et qui finit
par y mourir avant d’être enseveli dans la crypte de l’édifice.
« Cher Ronsard, je vous adresse la cy-ripopée qui ne sera goutte un
bas mélange de restes vinâtres, mais qui, sous la forme du
porte-manteau-mot, "ripopée", fait de ri(bote) et d’(é)popée, sans que
ça soit tip top, sûrement pas hip hop, ni beat ou bop, sera sans doute
ribaude et laide et pas grave, et qui, plutôt que conter vos hauts
faits, que narrer vos grands gestes ou louer votre vaillance offensive
et guerrière, se servira de vos lauriers, de votre souffle et de vos
trouvailles pour tranche-tailler dans la non franque franche langue nôtre de France amellée de choses estranges, et d’emprunts et de calques et de métissages »
Jean-Pascal Dubost travaille la langue. Il s’en délecte, s’en
nourrit, aiguise sa curiosité en élargissant son champ d’investigation.
Le lire, c’est se réserver de nombreuses incursions dans les recoins les
plus subtils du langage, c’est pénétrer dans ses incroyables
potentialités, s’immerger dans la richesse des lexiques, tournures et
expressions orales passées ou présentes en se laissant guider par les
poèmes, les écrivains (Rabelais, jamais loin), les poètes (notamment
ceux du dix-septième siècle) et par cet appétit de vivre qui l’anime et
qui ne peut qu’inciter au partage.
Jean-Pascal Dubost : Assemblages & Ripopées, éditions Tarabuste.