Il ne faut que deux ou trois pages à Françoise Favretto pour isoler un
décor et y caler une séquence qu’elle extrait de sa mémoire ou qu’elle
crée à partir des éléments que celle-ci a sauvegardés. Les pièces
qu’elle arrache ainsi au passé, et qu’elle reconstitue sous forme de
nouvelles, de récits ou de chroniques sont brèves et percutantes.
Beaucoup d’entre elles tournent autour de l’ambivalence des sentiments
et des émotions. Le regard y est omniprésent. C’est par lui (qui
détecte, surprend, découvre) que la scène de vie observée ou retrouvée
entre dans l’imagination de celle qui s’en empare. Elle oscille dès lors
entre fiction et biographie. Tout ce qui revient (mort précoce d’un
cousin complice, départ du père, souvenir d’un rendez-vous raté, cohue
dans une gare, poupée éventrée) est source de questionnements chez
celle qui assiste, tout à la fois étonnée, médusée, ironique, affectée
ou désemparée, à ce qui se trame, presque par inadvertance, en elle ou
sous ses yeux. En s’emparant, comme elle le fait, de courts moments de
l’histoire des autres, dont certains lui sont totalement inconnus, elle
sait qu’elle peut, elle aussi, à ses dépends, un jour servir de
personnage à un anonyme qui aura porté, un instant, son attention sur
elle.
« je veux bien aider mon auteur en lui racontant ma vie. Il doit me
prendre du dedans – même si cette expression est très érotique, je vous
assure qu’il n’y aura rien entre nous. je dois me glisser au fond de son
imaginaire, m’arracher du virtuel. je suis l’imaginaire de quelqu’un.
je dois me faire à cette idée. après il s’en servira pour me créer et
faire du deuxième degré. »
Françoise Favretto ne néglige jamais l’envers du décor. Ni
l’intériorité des uns et des autres. Cela l’aide à tisser des relations
infimes mais très sensibles entre elle et ceux qu’elle évoque dans ses
textes. Elle peut assez aisément prendre leur place et se dédoubler en
chahutant subtilement la raison sur de très courts laps de temps avant
de retrouver ces livres qu’elle ne quitte jamais très longtemps.
« Quand je n’ai pas pu me plonger dans un livre depuis quelque temps, c’est comme si j’avais faim, quelque chose me manque. »
Et les livres, Françoise Favretto
vit avec depuis des décennies. Comme lectrice bien sûr, mais aussi, et
avant tout, comme éditrice au sein de l’Atelier de l’agneau et des
différentes revues qu’elle a initiées et animées.
Françoise Favretto : L’arrachoir, Atelier de l’agneau.
Françoise Favretto : L’arrachoir, Atelier de l’agneau.
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