Rares sont les poètes contemporains qui savent s’imprégner d’un paysage
jusqu’à le sentir vibrer, ou tout au moins frémir, en eux. Michel Dugué
est peu à peu devenu l’un de ceux-là. Il le doit tout à la fois à son
approche discrète, à sa façon d’être (et de rester) en éveil, en alerte,
à la qualité de ses silences, à l’acuité de son regard et à la
précision des scènes fugitives qu’il réussit à capter puis à restituer.
« Sous l’averse le paysage se vêt d’un habit grisé. Mécanique grippée, il ralentit.
C’est un promeneur aussi âgé que les pierres, une ronce mutique recourbée sur le bord d’un fossé où s’écoule une eau d’argile. »
C’est un promeneur aussi âgé que les pierres, une ronce mutique recourbée sur le bord d’un fossé où s’écoule une eau d’argile. »
Rien n’est laissé au hasard et tout est dit avec simplicité et
justesse. Il délimite, pour ce faire, son champ de vision. Le cadrage
est millimétré. Il est réalisé au fil de la promenade, quand le marcheur
(qui avance avec lenteur) décide de s’arrêter, persuadé que
l’immobilité lui permettra de mieux percevoir les mouvements qui sont à
l’œuvre alentour.
« La courbe du chemin nous dissimule la descente à la grève. On sait
néanmoins qu’elle est proche. Nous entendons l’étirement de la houle. La
pluie s’est remise à tomber. Le jour s’est défait. Le paysage se
reforme autour de masses sombres que percent des lumières électriques. »
On le retrouve le plus souvent dehors, en train de se frotter aux
humeurs changeantes du ciel, en quête d’un rai de lumière, curieux,
attentif à ces lieux qui ne délivrent presque rien de leurs secrets.
L’humilité est ici de mise. L’homme de passage sur ces rudes bouts de
terre qui n’ont nul besoin de sa présence pour perdurer l’accepte
volontiers.
« Je m’en remets à des failles
plus concrètes
que les mots qui les nomment. »
plus concrètes
que les mots qui les nomment. »
Il interroge tel ou tel fragment d’un paysage familier qu’il ne
cesse pourtant de découvrir, en l’habitant, en respirant amplement un
peu de cet air invisible que régénère le vent de mer qui souffle en
ces contrées qu’il arpente en toutes saisons.
« La conjonction des signes fait un monde en suspend. L’air invisible
a sa part de mystère ou d’hésitation. Se blesserait-il aux ronces
lorsque dessus il roule ? »
Michel Dugué : Tous les fils dénoués, éditions Folle Avoine.
Michel Dugué : Tous les fils dénoués, éditions Folle Avoine.
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