Ce n’est pas parce que le corps – forcément usé par des années qui
furent loin d’être de tout repos – connaît en vieillissant de fâcheux
ratés, que l’on se doit de battre en retraite, de s’exclure, de se
ratatiner en ne s’en remettant qu’à de vagues souvenirs qui, de toute
façon, finiront par s’éroder et par disparaître.
Cette stratégie du piteux repli sur soi n’a pas cours chez Lionel
Bourg. Et pas plus la sagesse que certains, passé un certain âge,
vénèrent tant. Son charme anesthésiant, il le laisse volontiers griller
les neurones de ceux qui ont décidé de rentrer définitivement les
griffes. À cela, à cet état de fait assez désespérant, il préfère
opposer une saine colère, celle d’un homme debout. Et même vent debout.
Disant simplement, avec ses mots, sa verve, son énergie, ses flèches
bien acérées, bien décochées, ce qui doit être dit, écrit, dénoncé,
d’abord littérairement, et avec force, à propos d'un monde terrible,
injuste, impitoyable qui continue de broyer sans ménagement.
« Je suis des régions grises.
Des scories, du mâchefer, des laves assouvies et de la crasse industrielle.
Du granit comme des gneiss, du grès primitif, des schistes délités dans l’obscurité que les miens creusèrent. »
Des scories, du mâchefer, des laves assouvies et de la crasse industrielle.
Du granit comme des gneiss, du grès primitif, des schistes délités dans l’obscurité que les miens creusèrent. »
Il n’oublie pas d’où il vient et sait de quoi il parle. Il le fait en
prenant un minimum de distance pour exprimer au mieux les affres
d’une désespérance dont les racines s’entortillent au plus profond d’un
peuple bafoué. Il espère que celui-ci finira par relier en réseau
toutes ces craquelures et fissures qui ne sont encore qu’à peine
visibles en surface. Ce serait une belle revanche que de contraindre les représentants d’une élite intellectuelle franco-française toujours aussi prétentieuse (lesquels se relaient, à coups de livres et de plateaux télé, pour expliquer à peu près tout et n'importe quoi, en culpabilisant, au passage, ceux qui souffrent) à rabattre enfin
leur inépuisable caquet...
« On parle de piété. D’extase et de sacré. Du "mal". De la
simplicité. Un bénédictin du sérail encense la pauvreté. À d’autres !
L’indigence, j’y suis né : ce n’est pas folichon à voir. Quant à s’en
réclamer, légitimant le principe d’une vérité supérieure, chaste,
évangélique, ne comptez pas sur moi, la pire abjection, qui se complaît à
salir toute beauté justement, rejoignant sur la scène de leur pseudo
conflit la feinte humilité du "Très-bas" et les roueries, les pièges ou
les caresses d’une habile théologie négative. »
Lionel Bourg
met le doigt là où ça fait mal. Il appuie et ne relâche pas la
pression. Non seulement pour dénoncer l’effroyable « ordre des choses »
que cimentent en partie finance et religions mais aussi pour mettre en
lumière les quelques motifs d’espoir qui permettent d’entrevoir de vifs
et salutaires sursauts.
Lionel Bourg : J’y suis, j’y suis toujours, éditions Fario.
Lionel Bourg : J’y suis, j’y suis toujours, éditions Fario.
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