C’est son Grand Livre de Dettes. Jean-Pascal Dubost l’alimente
régulièrement, comme il le ferait d’un feu qu’il faut entretenir pour
garder les braises vives et la chaleur ardente. Un premier volume
avait déjà vu le jour en 2012. Voici le second, dédié, comme le
précédent, à quelques uns de ceux, poètes et écrivains, qui ont compté,
et comptent toujours, pour lui. Menant « vie hermitaine à Saint
Barthélémy », en Brocéliande, il les lit assidûment et peut aisément
sortir de leurs textes et les faire entrer dans les siens.
Ils sont 99. Ne tiennent pas en place. S’échappent souvent de sa
bibliothèque. Viennent d’horizons différents. On y croise Andrea
Zanzotto, Gregory Corso, Denise Levertov, Charles Olson mais aussi Jean
Sénac, André du Bouchet, Valère Novarina ou Jean Tortel. Ils ont vécu
dans des époques lointaines (Pernette du Guillet, Christine de Pizan,
Guillaume de Machaut), ou plus proches, au dix-neuvième ou au vingtième
siècle (Hugo, Artaud, Gracq, Perros, Tzara) et certains, gardant bon
pied, bon œil, (Roger Lahu, Lambert Schlechter, Ariane Dreyfus,
Dominique Poncet et bien d’autres) sont toujours de ce monde.
Chacun / chacune est évoqué dans un texte bref : un neuvain en prose
se terminant par un tiret. Ces poèmes sont amples et ramassés. Nerveux
et pleins de trouvailles, ils sont riches d’une substance particulière,
d’une matière extrêmement travaillée où apparaissent, çà et là, quelques
détails précis et traits essentiels touchant aux écrits de l’auteur
choisi.
Pour ce faire, cet insatiable lecteur butine, triture, frotte,
manipule, emboîte, enchâsse les mots. Il sollicite également son corps, y
puise une belle énergie qui s’ajoute à celle qui provient de ce souffle
continu, presque haletant, qu’il maîtrise à la perfection et qui permet
à sa phrase de se maintenir constamment sur la crête des vagues Il
adapte son lexique en fonction du poète nommé, va volontiers
s’approvisionner en vieux français, y bouture des pépites venues
d’autres langues, y « lance des trolls farceurs », se montre facétieux,
donne joyeusement de ses nouvelles, invente, joue avec les sons et
les sens, stimulé par la contrainte qu’il s’impose et subjugué par la
fougue du rythme qui, chez lui, ne faiblit jamais.
Jean-Pascal Dubost : & Leçons & Coutures, éditions Isabelle Sauvage.
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