Si Lucien Suel passe beaucoup de temps dans son jardin, cela ne
l’empêche pas de multiplier les périples. On peut le retrouver dans le
TGV entre Béthune et Paris ou à la Gare du Nord mais aussi à Tanger ou à
Dakar, à Saint-Florent Le Vieil (à la maison Julien Gracq) ou à Lodève
(lors du festival Voix de la Méditerranée). Tous ces voyages – riches
en rencontres et nourris par une intense activité – attisent sa
curiosité et son envie de partager. C’est ce qu’il fait dans ces
journaux qui courent de 2007 à 2017 et qui succèdent aux Versets de la bière
(journal 1986-2006, éditions Dernier Télégramme). On suit l’écrivain,
le poète, le traducteur, le lecteur et le jardinier dans des périodes
précises, celles où il ressent le besoin d’écrire, chaque soir, tout ce
qui a rempli sa journée.
L’un des moments forts de ce livre est le journal de sa résidence à
Armentières, dans un établissement public de santé mentale. Il va y
séjourner durant de nombreux mois, affronter le quotidien hospitalier,
celui des médecins et des patients, et commencer l’écriture d’une
fiction qui aura beaucoup à voir avec ce qui se passe dans cet espace
particulier. La Patience de Mauricette, son deuxième roman (La Table Ronde, 2009), naîtra de son immersion dans le lieu.
« Une idée pour la fin du roman. Mauricette écrivant de Bretagne à Christophe un récit de ce qu’elle a fait depuis son départ.
Je répète dans mon bureau la lecture qui aura lieu cet après-midi à l’hôpital de jour pour les enfants. Durée vingt minutes.
Passage rapide au Pavillon Mozart. Tout va bien. Le personnel prépare la salle. Il y aura neuf enfants, peu ou pas de parents. »
Je répète dans mon bureau la lecture qui aura lieu cet après-midi à l’hôpital de jour pour les enfants. Durée vingt minutes.
Passage rapide au Pavillon Mozart. Tout va bien. Le personnel prépare la salle. Il y aura neuf enfants, peu ou pas de parents. »
C’est peu dire que Lucien Suel, partout où il intervient, que ce soit
en résidence ou en lecture, se donne toujours à 100 %. On s’en aperçoit
tout au long de ces journaux. Son investissement est total. Après
Armentières, il le sera tout autant dans le quartier de Fives Lille,
d’où jaillira D’azur et d’acier (La Contre Allée, 2010).
« Mercredi 21
octobre 2009. C'est l'anniversaire
De la mort de Jack
Kerouac. Je lui consacre un
Article sur mon blog
Silo-Académie 23. Je mets
Aussi en ligne un
deuxième message du RESIDENT
Sur le blog de Fives en
aparté, un texte court
Et un poème justifié
sur les briques. Je sors.
Je vais à pied vers la
gare de Lille-Flandres. »
Entre ses notes, rédigées en utilisant des contraintes de formes
numériques (comptages de mots ou de signes), ce qui donne à l’ensemble
un bel allant poétique, Lucien Suel glisse des blocs d’aphorismes où se
mêlent, en de salutaires coq-à-l’âne, humour, dérision, jeux de mots,
vérités et évidences.
« Un cochon meurt rarement de vieillesse »
« La plupart des animaux de boucherie (bœuf, mouton, lapin, poulet) sont végétariens »
Les séquences intitulées « JournalJardin » s’avèrent très mobiles.
Elles s’ouvrent aux escapades. Carottes de Colmar, tomates de Crimée,
haricot jaune de Charente, courgette de Nice et oignons de Mulhouse se
sentent comme chez eux dans le jardin de La Tiremande (Pas-de-Calais) où
le jardinier Suel associe Land Art et culture Underground. Il pense
parfois aux ancêtres dont il reproduit les gestes. Il se ressource à
l’air libre. Il travaille la terre. Et l’inverse est tout aussi vrai.
Suel est admirable...
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