Tout a commencé un matin, quand deux gendarmes sont venus la cueillir à domicile pour l’entendre au sujet de la mort de son patron, un restaurateur d’une cinquantaine d’années.
« La grille ainsi que la porte de l’établissement étaient ouvertes. L’homme était mort d’un vilain coup à la tête, asséné avec la batte de base-ball que Michel, le vigile, cachait sous le comptoir au cas où un danger se présenterait. »
Léa, la narratrice, chargée de la plonge et du ménage, qui est chaque soir la dernière à quitter les lieux, est soupçonnée du meurtre. Lors de leurs auditions, ses collègues de travail (avec lesquels elle n’a aucune affinité) n’ont pas hésité à la charger, précisant qu’elle était en conflit avec le patron, qui s’apprêtait d’ailleurs à la licencier. Il y a contre elle de fortes présomptions de culpabilité et la confusion de ses réponses n’arrange rien.
« Leur assurance me terrifiait, cette certitude qu’ils avaient de ma culpabilité. J’étais emportée par un processus inexorable dont j’étais impuissante à enrayer les rouages. En moi, tout s’écroulait. J’ai levé les yeux vers eux dans une supplication muette pour qu’ils mettent fin à cette mécanique infernale. »
Condamnée, pour un acte qui semble lui être sorti de la tête, elle va devoir, durant ses cinq ans d’emprisonnement, dans un univers carcéral qui est minutieusement décrit, avec ses heurts, ses bruits, ses suicides, faire retour sur ces événements qui ont coupé son existence en deux. Un jour, par hasard, lors d’un atelier d’écriture, un déclic lui permet d’y voir plus clair. La brume se déchire enfin. Oui, elle a empoigné la batte de base-ball, mais c’était pour se défendre.
« Ma métamorphose a pris fin aussi soudainement qu’elle avait commencé. J’ai cessé d’écrire, posé mon stylo à côté de la feuille, vidée de toute énergie. Je ne savais pas de quel soubassement de ma mémoire ces mots étaient issus. »
Même après sa libération, la narratrice se sent captive. Sa mémoire la tient en laisse. Elle va devoir la dompter, y mettre de l’ordre, gommer ses dénis, nommer et accepter les faits. L’environnement agréable où elle commence à prendre ses marques, sous le regard bienveillant du propriétaire de la maison où elle vit, loin de la ville, et qui sait, lui, d’où elle vient, va l’aider à mener à bien ce long cheminement.
En une écriture simple, parfois elliptique, capable de changer de rythme quand il le faut, Elsa Dauphin déroule des séquences de vie où alternent la dureté d’un passé âpre et le silence d’un présent mis à profit par une femme fragile et volontaire qui entend se bâtir un avenir plus serein. Elle sait, intuitivement, qu’elle y parviendra mais qu’il lui faudra du temps et que sa solitude du moment est une étape nécessaire.
Elsa Dauphin : Captive, éditions Lunatique.
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