« Azra hausse les épaules et attrape à nouveau la pioche afin de bien leur montrer. Il suffit de fixer le carré de peau sur lequel le tranchant va s’abattre, après avoir chassé de sa tête tout ce qui serait susceptible de brouiller l’esprit. Clarté et fermeté. Clarté étant mère de fermeté. »
Dans chaque nouvelle, les mots sont choisis avec précision, la scène est sobrement délimitée, l’atmosphère ambiante se tend en même temps que les corps et un fil narratif, très fin, se met en place, en un monde intemporel et en un lieu non défini. Les réflexes, les sentiments, les peurs, les pulsions, les instincts deviennent palpables et s’emparent des êtres qui ne peuvent qu’agir, pour se sauver, se venger, s’adonner à des opérations cruelles (tel cet apprenti vétérinaire qui anesthésie un chien en espérant lui couper la langue), se donner en spectacle ou effectuer le grand saut (ainsi cet homme que la maladie condamne et qui roulera du haut de la falaise).
« Non seulement il n’essaie pas de freiner sa chute, mais il l’accélère au contraire, amplifiant les rotations de son corps, avant de disparaître dans le vide. Horrifiée, je le regarde disparaître, sans esquisser le moindre geste. »
Il suffit de peu de phrases pour entrer de plain-pied dans les textes de Raymond Penblanc. Il n’use jamais de longs préambules. Les portraits de ses personnages et leur façon d’être ou de réagir leur procurent une vraie épaisseur. On perçoit leur solitude et leur trouble et on leur emboîte aisément le pas, de nouvelle en nouvelle, dans des décors très différents, en intérieur ou extérieur, – parfois même dans une église où la sensualité trouve une alcôve à son goût – tous étant occupés à déjouer les pièges, les sales coups et les guet-appends que la vie leur réserve.
Raymond Penblanc : L'éternel figurant, Le Réalgar.
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