En haut de chacun des poèmes constituant Des figures, Bruno Fern a
simplement placé une syllabe. Celle-ci peut parfois être un mot à elle
seule (« beau », « fou », « né », « trou »...) Elle n’agit pas
uniquement en tant que titre. Sa fonction s’avère plus vaste. C’est un
déclic, un starter, un déclencheur, un outil offert au lecteur qui, s’il accepte de jouer le jeu en accolant cette syllabe au premier mot de la plupart des vers
qui suivent, élargira singulièrement son champ de lecture.
« Pan
telant sous les mains battantes
dans sa gueule d’ange accroché par le
talon qui demeure la seule zone indemne à l’examen
du haut vers le bas et gardant malgré ça forme et voix humaines le tout en un
sable poussière où retourner était pourtant garanti depuis le départ »
dans sa gueule d’ange accroché par le
talon qui demeure la seule zone indemne à l’examen
du haut vers le bas et gardant malgré ça forme et voix humaines le tout en un
sable poussière où retourner était pourtant garanti depuis le départ »
S’il ne parvient pas à (ou ne veut pas) garder en permanence la
syllabe en question sous la langue, (son usage n’étant pas
systématique), le lecteur ne s’en trouve pas pour autant relégué hors du
poème. Bien au contraire : l’égarement qui s’en suit étonne et chaque
texte, chaque figure imposée réussit, même amputée de quelques pieds, à
bouger en s’inventant une autre forme et en cultivant un équilibre
opportunément bancal.
« Fin
du monde faut pas exagérer c’est plutôt
en soi que ça se déroule dans un périmètre restreint à force
de non recevoir sachant qu’il n’est pas prévu un
mot de l’histoire qui aurait l’air
d’être le dernier plus que les autres en réalité c’est extra
ce qui signifie à l’origine en dehors entre la 1ère et la 3ème personne
Landais de souche ou pas n’y change que dalle
tant la passe c’est juste un coup à prendre la tangente »
en soi que ça se déroule dans un périmètre restreint à force
de non recevoir sachant qu’il n’est pas prévu un
mot de l’histoire qui aurait l’air
d’être le dernier plus que les autres en réalité c’est extra
ce qui signifie à l’origine en dehors entre la 1ère et la 3ème personne
Landais de souche ou pas n’y change que dalle
tant la passe c’est juste un coup à prendre la tangente »
Mêlant expressions usuelles, citations de poètes (Apollinaire,
Zanzotto, Mallarmé...) et infos entendues au coin d’un trottoir, au
hasard d’une revue de presse ou lors d’une conversation privée, Bruno Fern
met assez d’humour et de distance entre lui (et les autres) et ses
poèmes pour que ceux-ci, grâce à la contrainte qu’il s’est donné, jouent
en permanence à l’élastique entre tension et relâchement, restant à
hauteur de la réalité et du quotidien, y compris quand ils les
saisit à ras de terre. Il agit de même envers la poésie en ne la
plaçant jamais sur un piédestal. Son rôle est ailleurs. Plus en bas,
dans le vif, avec les anonymes. Qu’il côtoie, qu’il écoute et dont il
raccorde les propos avec justesse et légèreté, glissant en un éclair du
versant ludique à l’aspect sérieux d’un petit monde que tout un chacun
s’évertue à organiser (question d’équilibre) autour de soi.
« Dis
simuler n’avance pas à grand-chose
qu’as-tu fait toi que voilà pliant sans trêve
cible plutôt vise-la
solution en cours »
qu’as-tu fait toi que voilà pliant sans trêve
cible plutôt vise-la
solution en cours »
Bruno Fern : Des figures, éditions de l’attente.