" j'écoute les bruits du Monde
les plus beaux
le plus laids
et je regarde mon Boulou dormir
sur la couverture de Mamine
et tous ces jours que je déplie
pour lui
qui est d'avant ces bruits
et qui m'apprend à le devenir."
Matthieu Messagier est décédé le 1er juin à l'hôpital de Trévenans (Territoire de Belfort). C'est avec lui que débuta l'aventure Wigwam. Il répondit à ma demande de texte en m'expédiant Le Soliflore désordonné, premier titre de la collection. J'appréciais tout autant l'homme que le poète, né en juillet 1949 à Colombier-Fontaine dans le Doubs. C'est là, tout à côté, sur la commune de Lougres, qu'il était revenu vivre après avoir quitté Paris où il avait créé Electric Press avec Michel Bulteau.
Je ne suis pas prêt d'oublier la journée passée chez lui, en son pays de Trêlles, avec Louis Ucciani (revue Luvah) et Philippe Marchal (revue Travers), journée qui se termina par une visite au moulin pour saluer ses parents, le peintre Jean Messagier qui s'embarquait le lendemain pour un vernissage à Bruxelles et l'artiste céramiste Marcelle Bauman qui, écouteurs sur les oreilles, vibrait aux sons d'un groupe punk originaire de New-York. Le chien Boulou était là, qui ouvrait la route au fauteuil électrique de Matthieu (souffrant depuis longtemps de cette myopathie évolutive qui a fini par l'emporter) qui descendait la pente humide à l'abri sous un grand parapluie. Derrière nous, un jars, particulièrement remonté contre les animateurs de revues, criait et cherchait à nous pincer les mollets.
Tristesse et souvenirs se mêlent aujourd'hui pour évoquer un poète qui aura mener sa barque de belle manière. Il naviguait contre les vents contraires et s'adonnait pleinement à l'écriture, sans relâche, et depuis l'enfance. Sa bibliographie est impressionnante. Elle débuta avec Le Manifeste électrique aux paupières de jupe, livre collectif (Le Soleil Noir, 1971) où l'on découvrait à ses côtés Zéno Bianu, Michel Bulteau, Jean-Jacques Faussot, Jacques Perry et quelques autres, dont Jean-Pierre Cretin, avec qui il rédigea, chapitre après chapitre, en marchant, il y a plus de cinquante ans, dans les rues de Paris, One Kiss, un texte initialement destiné à la série noire de Marcel Duhamel et qui se transforma tout naturellement, porté par l'imagination débordante des deux rédacteurs, en « roman policier poétique ». Le livre vient tout juste de paraître aux éditions Médiapop.
"L'heure de mille ans
L'heure d'une seconde,
Pareil.
Il faut la rendre."
Le site dédié à Matthieu Messagier se trouve ici.
Photo : Matthieu Messagier et son chien Boulou.