Si d’entrée, le « deux » du titre peut étonner – qui vient du verbe « se douloir » (souffrir, se plaindre, ressentir de la douleur) et du vieux français « deulx »- on se dit très vite, dès les premières pages du livre, que nul autre verbe n’aurait pu saisir avec autant de force et d’acuité ce que Valérie Rouzeau nous propose ici. Pour ce faire, pour donner ainsi, il lui faut désamorcer la douleur, tenir la corde à distance, ne jamais lui laisser trop de champ. Autrement dit se prémunir, ne pas se morfondre, ne pas glisser dans des territoires sans fond. Elle sait, comme tout un chacun, que « la route du berceau à la tombe offre quelques méchants cailloux » et qu’il vaut mieux, à défaut d’avoir pu les éviter, trouver des remèdes pour en guérir plutôt que de se complaire dans l’infection des plaies.
« J’ai perdu les pédales alors je vais à pied comme un tout seul nuage une montagne déplacée Mais vous m’en direz tant et vous n’aurez pas tort comme moyen de transport il y a la métaphore La figure du poème vous porte tout là-bas aussi bien que le train ou le vélomoteur le patin à roulettes le roller le scooter la planche l’aéroplane ».
Les vrais remèdes sont là. Concoctés par elle à l’aide de syllabes qui se télescopent, d’une syntaxe qui s’emboîte (jusque dans l’imprévu), d’un lexique ajusté (et parfois détourné), de bribes captées au vol dans ses lectures et restituées (« mes mots des autres ») avec cette vivacité tonique et instantanée qui lui permet – quand tout, tout autour s’assombrit – de remonter à la surface et à la lumière en un clin d’œil.
« Heureuse la qui comme moi n’est pas pendue dans l’arbre tout le long de l’avenue. »
Elle relie naturellement poèmes anciens à ceux du temps présent en mixant époques et frontières. Elle s’offre ainsi un vaste fonds commun dans lequel elle peut puiser, ramenant des pépites qu’elle prend plaisir à retravailler, leur donnant un autre impact, d’autres émotions, une autre vie.
Sa façon de faire (d’écrire) est, d’un bout à l’autre, durant les 41 sections (table en fin de volume) qui composent ce livre, stimulante et communicative. Une énergie vitale dont le secret tient peut-être à cette capacité qu’elle a de garder toujours l’enfance, la famille, les proches à portée de cœur et de mots tout en vivant intensément le présent et les rencontres qui le ponctuent.
« Mes amis poètes me disent attention au mot cœur il ne passe pas partout comme rossignol. »
Il y a de la virtuosité, du patchwork subtil, du mouvement, de la tristesse (mort de la grand-mère / grammaire), de la peur parfois (voir le poème du 28 février 2009), de l’imprévu (en loco avec John Giorno), un amant, de l’amitié, des détours, retours et quelques oiseaux (chanteurs, moqueurs) dans ce livre très habité, très animé et pour tout dire plein de présences vives. Qui saura y regarder de plus près y verra sans doute bien plus encore.
« Ne te tourmente pas tu es lancée partie Mords la vie mords la vie mords la vie mords la vie. »
« J’ai perdu les pédales alors je vais à pied comme un tout seul nuage une montagne déplacée Mais vous m’en direz tant et vous n’aurez pas tort comme moyen de transport il y a la métaphore La figure du poème vous porte tout là-bas aussi bien que le train ou le vélomoteur le patin à roulettes le roller le scooter la planche l’aéroplane ».
Les vrais remèdes sont là. Concoctés par elle à l’aide de syllabes qui se télescopent, d’une syntaxe qui s’emboîte (jusque dans l’imprévu), d’un lexique ajusté (et parfois détourné), de bribes captées au vol dans ses lectures et restituées (« mes mots des autres ») avec cette vivacité tonique et instantanée qui lui permet – quand tout, tout autour s’assombrit – de remonter à la surface et à la lumière en un clin d’œil.
« Heureuse la qui comme moi n’est pas pendue dans l’arbre tout le long de l’avenue. »
Elle relie naturellement poèmes anciens à ceux du temps présent en mixant époques et frontières. Elle s’offre ainsi un vaste fonds commun dans lequel elle peut puiser, ramenant des pépites qu’elle prend plaisir à retravailler, leur donnant un autre impact, d’autres émotions, une autre vie.
Sa façon de faire (d’écrire) est, d’un bout à l’autre, durant les 41 sections (table en fin de volume) qui composent ce livre, stimulante et communicative. Une énergie vitale dont le secret tient peut-être à cette capacité qu’elle a de garder toujours l’enfance, la famille, les proches à portée de cœur et de mots tout en vivant intensément le présent et les rencontres qui le ponctuent.
« Mes amis poètes me disent attention au mot cœur il ne passe pas partout comme rossignol. »
Il y a de la virtuosité, du patchwork subtil, du mouvement, de la tristesse (mort de la grand-mère / grammaire), de la peur parfois (voir le poème du 28 février 2009), de l’imprévu (en loco avec John Giorno), un amant, de l’amitié, des détours, retours et quelques oiseaux (chanteurs, moqueurs) dans ce livre très habité, très animé et pour tout dire plein de présences vives. Qui saura y regarder de plus près y verra sans doute bien plus encore.
« Ne te tourmente pas tu es lancée partie Mords la vie mords la vie mords la vie mords la vie. »
Valérie Rouzeau : Quand je me deux, éditions Le temps qu'il fait.
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