« Assis dans la
nuit décharnée / Le cri de la mer dans les oreilles / Et un sale
goût d'amertume en bouche / La tête figée coincée dans l'ombre /
Opaque des pensées bringuebalantes / Le cœur aussi glacé qu'un
iceberg. »
Alain Jégou, Une meurtrière dans l'éternité,
éditions Gros textes, 2012.
C'est après avoir lu
Passe Ouest (éditions
Apogée, 2007), livre dans lequel Alain Jégou a
retracé, à coups de séquences vives et houleuses, ce que fut son
quotidien de marin-pêcheur durant près de trente ans, que le
réalisateur Christophe Rey a décidé de consacrer un film à celui
qui venait de l'embarquer ainsi, sans préambule, à bord de
l'Ikaria, chalutier de neuf mètres cinquante immatriculé à
Lorient et habitué à creuser sa route chaque jour, bien avant
l'aube, dans la nuit noire, quelque part au large de l'île de Groix
et du phare de Pen Men. Ce qu'il transmet à travers ce film, c'est
l'itinéraire très particulier d'un homme qui a réussi à bâtir,
parallèlement à ce métier rude, une œuvre poétique inclassable
où l'océan (sa force, sa hargne, ses sautes d'humeur) s'avère
toujours très présent.
Touchant au plus près
l'univers d'Alain Jégou et remontant aux sources mêmes de son
écriture en ricochant, entre le jazz, la mer, les ports, les docks
en perpétuel mouvement, de Tristan Corbière à Jack Kerouac et
d'Antonin Artaud à Claude Pélieu, Le Chant des mers navigue
sur une ligne d'horizon fougueuse et haletante, dans le sillage
immédiat d'un poète qui n'avait de cesse de frotter son corps et
son imaginaire à une réalité qu'il savait traverser, fustiger et
dépasser avec rage et efficacité.
Le Chant des mers,
réalisé par Christophe Rey, Candela Productions.
Né en 1948 à Larmor
Plage, Alain Jégou est décédé le 6 mai 2013. Le magazine Littoral
(sur France 3 Ouest) lui rendra hommage le samedi 22 juin en rediffusant Le
Chant des mers.
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