Washington Cucurto est à la fois l’auteur et le personnage principal des
aventures du dieu maïs. Il habite à Buenos Aires dans un conventillo
de cinq étages. Il est magasinier chez Carrefour Argentina, préposé aux
rayons légumes et à l’étiquetage d’un tas d’autres produits. C’est le
roi de la confection des étals au point du jour, quand la ville dort
encore et que les allées des grandes surfaces ne sont soumises qu’au
bruit des transpalettes. Pour lui qui est poète, il n’y a pas de
meilleure école. On ne peut s’aguerrir qu’en se frottant au monde réel,
celui du commerce en surchauffe, des chefs de rayon hargneux et des
collègues zélés ou désabusés.
C’est sa vie, celle d’un métis né en 1973, que Washington Cucurto
s’emploie à raconter, mixant autobiographie et fiction en n’oubliant
pas comment il a débarqué sur cette planète où il a depuis longtemps
décidé de vivre en mettant toujours une bonne dose d’agrément dans son
quotidien.
« Je viens au monde. Je pèse 2,30 kg. On me place en couveuse. Maman,
une Noire de Tucuman, me fourre une mamelle pastèque dans la bouche et
je m’endors. C’est pour ça que j’aime les Dominicaines, les
Paraguayennes, grosses et noires. J’aime les infirmières. Si je pouvais,
je leur mettrais à toutes la main au cul ou au sein. Elles ont toutes
quelque chose de maman ! »
Quand il en a terminé avec le magasinage, il n’a qu’une seule hâte :
retrouver ses amies les prostituées dominicaines dont la générosité et
l’ardeur au lit lui sont indispensables. Toutes raffolent de son sexe
qui atteint, paraît-il, une perfection rare. Pour Idalina, l’une de ses
plus ferventes admiratrices, il a tout pour devenir le dieu maïs. Et
pour cela, il faut absolument lui recouvrir le membre d’or. Elle va
l’aider et payer rubis sur ongle (deux ans de passes tout de même) le
bijoutier du coin chez qui il se présente sans trop y croire. L’expert a
vu de nombreux prétendants venir dans son officine et repartir
bredouilles. Mais avec Cucurto c’est autre chose. Anita, la
préparatrice, et monsieur Luis, le vieux joaillier homosexuel, n’en
croient pas leurs yeux.
« - Ah, Sainte Vierge Immaculée et Conçue sans Péchés. Délivre-moi de
tous mes péchés. C’est le miracle que nous attendions, monsieur Luis !
Oui, ma petite. Mais à présent, il faut la faire grossir pour voir
ses mesures exactes et sa tonalité quand le sang afflue. Note les
mesures et les couleurs pendant que je prépare tout pour la fonte de
l’or. »
L’érotisme de Washington Cucurto est rieur et décomplexé. Il ne se
plie pas aux règles de bienséance en vigueur. Les préliminaires à
l’opération qui va le transformer en dieu maïs sont torrides. Ils les
content avec entrain et malice. Idem pour sa vie d’après. On vient le
voir de partout. On lui demande l’impossible.
« Ma grande erreur a été de la montrer à Catalina quelques heures
avant le début de la fête. Cette fille est une vraie concierge, un
panneau publicitaire géant. »
Sa narration ne connaît aucun répit. Il regorge d’énergie et
virevolte en permanence. Ce qui ne l’empêche pas de garder un œil
critique et un esprit rebelle bien aiguisé. Qui s’appliquent également à
la poésie. Grand lecteur, il ne mâche pas ses mots et remet fréquemment
à leur place certains poètes qu’il trouve injustement surestimés. Ses
coups de griffes sont percutants. À l’image de ce livre : mordant,
culotté, impertinent et subversif à souhait.
Cucurto a par ailleurs créé en 2002, alors que l’Argentine était en banqueroute et l’édition en crise, les éditions Eloisa Cartonera.
Celles-ci publient à bas prix, sur des papiers et des cartons
récupérés par les cartoneros du quartier de la Boca (rémunérés à un
tarif supérieur au marché), les grands noms de la littérature argentine.
Washington Curcurto : Les aventures du dieu maïs, traduit par Geneviève Adrienne Orssaud, dessins de Tom de Pekin, Le Nouvel Attila.
Washington Curcurto : Les aventures du dieu maïs, traduit par Geneviève Adrienne Orssaud, dessins de Tom de Pekin, Le Nouvel Attila.
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