« Aujourd’hui premier novembre à sept heures, soit à six heures solaires, sous le dernier croissant d’une lune à venir nouvelle, je sursigné, auteur, certifie avoir entendu puis écouté sifflé un merle. L’île était à cette heure particulièrement silencieuse. »
Précis, l’auteur, tout en tâtonnant, l’est souvent. Surtout quand il parle des oiseaux, sédentaires ou migrateurs. Il lui faut les nommer, suivre leurs vols, capter leurs chants, décrire leurs prises de bec, s’enquérir de leurs déplacements et de leur façon de pêcher ou de chasser.
« A trois heures et demi, heure solaire, la nuit est profonde, mais dès quatre heures le merle du rempart voisin est audible. À cinq heures et demie, toujours solaires, les martinets descendent de leurs hauteurs, de dessous les cirro-cumulus en écailles de tortue. Un coucou passe ma part de ciel avec sa gueule d’épervier, venu du sud et filant vers les marais. Il chante deux fois, soit quatre "coucou". »
Si les oiseaux occupent une place importante au quotidien pour celui qui a écrit (entre autres) Ornithologie du promeneur (3 tomes aux éditions Allia) et Mes langues ocelles (P.O.L.), ils ne sont pas seuls, loin s’en faut. Pêche à pied
est un livre aux multiples entrées. Y cohabitent, en un savant
désordre, dans un parti-pris assumé du discontinu, des notes de lectures,
des observations du paysage, des réponses à des entretiens littéraires,
des carnets de séjour en Hongrie, un compte-rendu de « tourisme
fumiste » au Maghreb, des références à divers philosophes, poètes et
psychanalystes, des citations, une évocation de l’écrivain, cinéaste,
poète et plasticien Gil J Volman (1929-1995), l’un des quatre fondateurs
de
l’Internationale Lettriste ("Volman m’a indiqué un style de vie
possible"), des remarques pertinentes sur La descente de l’Escaut de Franck Venaille, des souvenirs de discussions avec Claude Ollier, des réflexions sur la langue, la poésie, l’écriture.
« Quand j’écris, je suis un autre, ou je suis autre que celui qui verrait venir à lui l’angoisse. Je me déguise. D’où l’importance des idéaux qui soutiennent l’entreprise, ceux choisis dans la bibliothèque, qui participent à la construction d’un Moi-idéal chargé de se retrouver parmi eux, dans cette même bibliothèque. »
Bibliothèque pleine de pépites anciennes ou contemporaines où il ne manque jamais de détecter, en tel ou tel ouvrage, un début de réponse aux interrogations qui tournent dans sa tête et qui s’éclaircissent lors de ses marches sur l’île.
Dominique Meens choisit des compagnons de route (hommes, femmes, oiseaux) capables de l’aider, par leur présence et leurs réflexions, à nourrir ses blocs de prose et ses poèmes. Il lui arrive d’en traduire quelques-uns. C’est ce qu’il fait ici en s’emparant du Zoo du poète russe Velimir Khlebnikov (1885-1922).
Dominique Meens : Pêche à pied, augmenté de Zoo de Velimir Khlebnikov, graphies orales de Jim Skull, éditions Pontcerq.
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