Lutz Bassmann publie Les aigles puent chez Verdier. C'est son troisième livre chez cet éditeur. On sait que derrière l'écrivain, qui appartient, tout comme Manuela Draeger et Elli Kronauer, à une communauté d'auteurs imaginaires, se trouve Antoine Volodine.
Lutz Bassmann intervenait déjà - en tant que signataire mais aussi comme principal narrateur - dans Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, ouvrage de Volodine publié chez Gallimard en 1998. Son nom apparaît également, mais subrepticement, dans Des anges mineurs (Le Seuil, 1999)...
L’histoire qu'il signe ici est implacable. C’est celle d’un homme qui, ayant dû s’absenter, retrouve à son retour une ville détruite, fumante, irradiée.
Lutz Bassmann intervenait déjà - en tant que signataire mais aussi comme principal narrateur - dans Le post-exotisme en dix leçons, leçon onze, ouvrage de Volodine publié chez Gallimard en 1998. Son nom apparaît également, mais subrepticement, dans Des anges mineurs (Le Seuil, 1999)...
L’histoire qu'il signe ici est implacable. C’est celle d’un homme qui, ayant dû s’absenter, retrouve à son retour une ville détruite, fumante, irradiée.
« Les bombardements qui détruisirent la ville eurent lieu un jeudi, alors que Gordon Koum était en mission à l’extérieur.
Il était allé tuer quelqu’un. C’est pour cette raison qu’il avait survécu. »
Hormis un fou installé à cheval sur un rebord de fenêtre et une grappe d’individus perdus « dans les restes du ghetto », il n’y a plus de silhouettes humaines en vue. Des ruines charbonneuses, des tranchées, des crevasses, des plaques et des croûtes noircies remplacent l’ancienne ville. C’est dans ce décor crépusculaire que se déplace Gordon Koum. Il marche sur un sol incertain. Dessous, il y a « le monde des morts ». Il y a ses enfants, sa femme, ses camarades disparus. C’est pour eux qu’il avance dans les décombres. Il le fait juste avant de mourir. Il déblaie, il creuse, il s’épuise et bientôt se pose sur une pierre moins calcinée que les autres. Il s’assoupit, pétrifié, faisant presque partie du paysage jusqu’à ce que, dessillant ses paupières endommagées par les gaz toxiques, il découvre deux minuscules présences debout à ses côtés. Il y a là un rouge-gorge et un pantin « raciste originaire des temps historiques » dont seule la tête n’a pas été carbonisée.
« Gordon Koum était ventriloque. Dans la vie, jusqu’à cet instant, ce don ne lui avait pas procuré grand-chose, sinon des ennuis avec les autorités. »
Cette fois, ce don va enfin lui permettre, via le pantin et le rouge-gorge, de s’adresser à ses proches et de leur raconter des histoires qui, mises bout à bout, vont retracer la vie de quelques uns de ceux qui s’entraidaient et résistaient dans ce lieu désormais anéanti.
Il faut se souvenir, faire rire, percer le secret des « indomptables » qui vivent encore, mais d’une autre manière, en leur redonnant voix sous les cendres. Pour cela, la présence d’un ventriloque est idéale. C’est ce que prouve en ses dernières heures Gordon Koum. C’est ce que narre Lutz Bassmann. Et c’est ce qu’il donne à écrire à son porte-parole Volodine pour que sa voix, l'une de celles du "post-exotisme", vive et vienne jusqu'à nous.
" Pour le reste, pour les phrases qu’il produisait en son nom propre, on ne sait trop s’il les prononçait réellement, ou s’il se contentait de les recevoir en lui comme des pensées devenues paroles. "
Lutz Bassmann : Les aigles puent, éditions Verdier.
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