Jules Mougin n'aimait pas novembre. Il s’en est allé le mois dernier. Il avait 98 ans. En 2005, la Médiathèque du Pontiffroy à Metz lui avait rendu un bel hommage en organisant l’exposition « Jules Mougin, la révolte du cœur » et en publiant, pour l’occasion, le très beau catalogue Bien des choses du facteur. On y retrouvait, à côté des lettres, dessins, peintures, poèmes et témoignages, de précieuses notes biobliographiques signées par son ami Claude Billon, facteur tout comme lui.
« Je sais lire et écrire (j’ai d’ailleurs ce qu’on a bien voulu me donner). C’est tout. Il a fallu me débrouiller tout seul. Avec le certificat d’étude je suis entré en plein dans la vie, en août 1926. Je gagnais deux cent cinquante francs par mois, plus trois sous par dépêche portée ».
Facteur, Jules Mougin sera resté proche du monde postal durant toute sa vie, n’hésitant jamais à donner de ses nouvelles à intervalles réguliers, ornant ses lettres de l’habituelle mention « Merci facteur », celle-ci servant d’ailleurs de titre aux échanges épistolaires Mougin / Billon publiés par la revue Travers (n° 47) en 1993.
« On va tous à la mort ! En l’attendant, les dents tombent d’elles mêmes ! Nos manques de mémoire arrangent nos sales petites affaires ! Où on va ? On quitte l’enfer ou on y va ? »
Mougin n’appartenait à aucune école. Il se sentait simplement proche de ceux qui, à son image, tentaient de se glisser dans les ruelles de la littérature laissées vacantes par ceux qui avaient d’autres chats à fouetter. Là, il pouvait croiser Giono (qui compta beaucoup pour lui), Poulaille, Chaissac, Ragon, Dubuffet, L’Anselme, Vodaine, Robert Morel (l’un de ses principaux éditeurs) et quelques autres.
Ce qui le révoltait de façon permanente, ce qu’il aura combattu d’un bout à l’autre, avec ses mots, sa colère, sa dérision, c’est la guerre. Il ne se trompait jamais de cible. Il savait que les boucheries sont préparées puis soldées avec zèle par les longs bras de la politique.
« Toutes ces jolies petites croix sur les assassinés ! Ces rangées si bien rangées ! Ces alignements si bien alignés ! La guerre, cette immonde dégueulasserie, soigne bien ses morts ! »
En 1999, la revue Travers (10 rue des jardins – 70220 Fougerolles), dirigée par Philippe Marchal, a consacré son n° 53 à Jules Mougin. C’est l’une de ses dernières publications. Intitulé 1912 : Toutes les boîtes aux lettres sont peintes en bleu ciel, l’ensemble rassemble un choix de lettres, dessins, notes et extraits d’agenda adressés au facteur messin Claude Billon.
« Je voudrais ne pas crever idiot ! Pouvoir aimer, encore, après ma mort ! »
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