En 2006 et 2007, les bibliothèques françaises ont réalisé de nombreuses expositions et manifestations autour du thème "Une ville, une œuvre". C’est dans ce cadre que Lionel Bourg a été invité par la FILL (Fédération interrégionale du livre et de la lecture) pour partir à la découverte de sept de ces expositions. De ce périple est né Où le songe demeure, une série de flâneries dont il a le secret et qu’il nous fait partager à son rythme, c’est à dire avec lenteur et feinte nonchalance.
« Répondant à la proposition qui m’était faite et qui, de ville en ville, m’incitait à une sorte de vagabondage affectif, je n’ai pas cru devoir dissimuler mes inclinations personnelles.
On écrit avec ce que l’on est, ce que l’on devient, sa sensibilité, son histoire. »
On écrit avec ce que l’on est, ce que l’on devient, sa sensibilité, son histoire. »
Que ce soit à Grenoble sur les pas de Stendhal ou à Metz à la recherche de Verlaine, ou à Bordeaux avec Bernard Delvaille, à Montpellier sur les traces de Léo Malet ou encore en compagnie de Michèle Desbordes à Orléans, chaque escale est chargée d’émotions, de présences indicibles et d’ombres mouvantes. Lionel Bourg ne vient pas se recueillir en mémoire de tel ou tel auteur. S’il se déplace, c’est pour le côtoyer, interroger son oeuvre, lui dire ce qu’il en pense (de bien, ou pas), ce qu’il éprouve en s’imprégnant du lieu et en tentant d’y frotter ses propres recherches.
Ce passant ordinaire s’avère exigeant. Être proche de celui ou de celle que l’on visite ponctuellement ne veut pas dire qu’on va tout lui passer, être d’accord avec l’intégralité des textes, des idées, des trajectoires. Ainsi Léo Malet : impossible de dire ce que l’on aime dans ses poèmes de braise, ce qui nous rapproche de celui qui écrivit Le frère de Lacenaire sans y ajouter un bémol de taille (Bourg ne s’en prive pas, ici comme ailleurs, à chaque fois qu’il débusque le dérapage) en dénonçant celui (le même) qui, dans ses vieux jours, en creux dans Nestor Burma revient au bercail, se laissait aller à écrire des choses de ce genre : “Je bois ferme pour faire descendre cette saloperie (du couscous), vraisemblablement inventée par les arabes pour engendrer le racisme.”
L’un des moments les plus intenses du livre, belle proximité littéraire, humaine, tragique, intervient avec Un blues pour Verlaine, placé - et ce n’est sans doute pas un hasard - au centre de l’ouvrage.
« Il pleut ou il fait beau. On s’étend sur un lit sans se dévêtir. Que faire ainsi, que dire ce soir, dans cet hôtel de Metz ?
Je suis allé voir la maison natale du poète. J’ai regardé ses livres, son visage. Tôt le matin, j’ai regagné la gare. On vit en suspension quelquefois, fredonnant un vague couplet :
Je suis allé voir la maison natale du poète. J’ai regardé ses livres, son visage. Tôt le matin, j’ai regagné la gare. On vit en suspension quelquefois, fredonnant un vague couplet :
Je suis venu, calme orphelin,
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m’ont pas trouvé malin. »
Riche de mes seuls yeux tranquilles,
Vers les hommes des grandes villes :
Ils ne m’ont pas trouvé malin. »
Le train, l’hôtel, les bars déserts, les venelles grises ou ensoleillées, les rues que l’on longe tard la nuit lors de ce fameux Retour sur soi cher à Yves Martin, autre piéton, autre marcheur, c’est tout cela que l’on frôle en accompagnant Lionel Bourg dans son périple de ville en ville.
L’ouvrage, fort bien documenté, est doté d’une riche iconographie. Celle-ci permet de retrouver de nombreuses traces des expositions. Portraits, reproductions (par exemple les sanguines d’Hubert Robert à Valence), textes manuscrits, enluminures (en particulier les Trésors de Troyes) et photos (notamment celles prises au bord de la Loire, au Bas de la Mouche, là où habitait Michèle Desbordes) incitent à découvrir encore un peu plus intensément les lieux et les œuvres visités.
Lionel Bourg : Où le songe demeure, éditions Créaphis.
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