S’il fallait trouver quelques mots pour parler de la poésie de Pierre
Dhainaut, ceux qui viendraient spontanément à l’esprit seraient
enchantement, accueil, écoute, transparence. Ces points de repères ne
suffisent pourtant pas. Ils ne disent rien de l’approche des paysages
dont il s’imprègne et dont il aime isoler un fragment particulier
pour le ciseler, y poser ses mots et transmettre ce que cela suscite
(d’émoi, d’éveil, de suggestion) en lui.
Il procède de façon presque identique avec les photographies
qu’Isabelle Lévesque lui a fait parvenir au fil des saisons, et ce
durant une année entière. Arbres, feuilles, fleurs, herbes, pierres sont
saisis sous ciel bleu ou nuageux, par temps de brume ou de givre, sous
un soleil pale ou radieux, à l’aube ou au crépuscule. À chaque
photographie reçue, Pierre Dhainaut répond par un poème. L’image lui
sert d’appui. Son regard le porte vers l’extérieur. Vers la lumière
qu’il parvient toujours à capter, y compris au cœur de l’hiver.
Tous deux se relaient à distance. Lui à Dunkerque - où il voit
apparaître le premier coquelicot de l’année (la fleur fétiche d’Isabelle
Lévesque) le « 15 avril 2017, dans le très mince interstice de ciment
entre le trottoir et la palissade » qui entoure son jardin - et elle aux
Andelys où elle surprend la même fleur, en avril aussi, mais au milieu
d’un champ de graminées. Ils cheminent ainsi tout au long du livre. Pierre Dhainaut
s’arrête sur les vies infimes qui bougent à hauteur d’herbes ou de
ronces. Il lui arrive d’interroger, tout en poursuivant son périple
dans le monde végétal et secret, l’étrange relation qui peut naître
entre le poète et ses poèmes :
« Ne pas déléguer aux poèmes la tâche de nous représenter,
écrivons-les pour eux-mêmes, mais si faibles soient-ils, ils nous
désentravent, ils libèrent l’autre qui se dissimule en nos petites
personnes. »
Isabelle Lévesque offre patiemment son regard et ses mots aux
fougères, aux arbres, aux prairies et surtout aux fleurs vives, plus
particulièrement à celles, rouges, rebelles, attirantes qu’elle
affectionne. Elle les sait tout aussi fragiles que les instants
éphémères qu’elle essaie de retenir.
« Cœur éprouvé
éperdu.
éperdu.
Une heure fait
l’éternité.
(En mai).
l’éternité.
(En mai).
Je laisse le corps nu
des mois d’hiver.
des mois d’hiver.
Ni mai ni rien.
Démens
la nuit. »
Démens
la nuit. »
En fin de livre, l’un et l’autre expliquent leur démarche et disent
le plaisir qu’ils ont pris à concevoir et à mener à bon port cet
ensemble d’où se dégage une stimulante quête de plénitude.
Isabelle Lévesque (photographies et poèmes) et Pierre Dhainaut (poèmes) : La grande année, Éditions L’herbe qui tremble.
Isabelle Lévesque publie simultanément un recueil de poèmes, Ni loin ni plus jamais, Suite pour Jean-Philippe Salabreuil, aux Éditions Le Silence qui roule
Isabelle Lévesque publie simultanément un recueil de poèmes, Ni loin ni plus jamais, Suite pour Jean-Philippe Salabreuil, aux Éditions Le Silence qui roule