Principal artisan de la renaissance du joïk, chant traditionnel du peuple same, interprété a capella, parfois accompagné d’un tambour, Nils-Aslak Valkeapää, est également le grand poète de la vaste Laponie (qui s’étend de la Suède centrale à la presqu’île de Kola dans le nord de la Russie).
Né au cœur des montagnes, dans la partie méridionale de la Laponie finlandaise, Valkeapää, fils d’un éleveur de rennes, a vécu, comme tous les siens, le nomadisme de rigueur dans cette région désertique du nord de l’Europe. Il a toujours tenu à y ajouter des mots, du sens et des perspectives. À partir de choses aussi simples que celles-ci : savoir ce que l’on doit au passé, n’empêche pas de vivre au présent. De même, être attaché à sa terre n’exclut pas, bien au contraire, de s’ouvrir aux autres, même si le voyage génère ses propres limites.
« Pour les soucis, tu n’as que l’embarras du choix
le monde entier te tend les bras. »
Cette ouverture, que l’on retrouve dans ses disques (où le joïk se mêle au jazz grâce au saxo et aux percussions qu’il y met), s’inscrit également dans ses poèmes. Il a grandi au rythme de la transhumance. Chaque saison reste pour lui symbole de migration. Il l’écrit. Il en détecte l’éphémère. Et migre, quand il ne peut faire autrement, dans son imaginaire. Avec les Indiens, les Inuits et tous ceux dont il se sent proche.
« Si je ne savais pas
que je suis moi et que j’appartiens à un peuple
je n’aurais pas su
que tu es toi
et tant de peuples du monde à la fois. »
Migrante est ma demeure est une trilogie qui débute par un long recueil, intitulé Les nuits de printemps si claires. C’est le livre des saisons, dedans et dehors, le livre où la nature dicte sa loi et où l’homme se montre ingénieux pour s’y adapter au mieux. Vient ensuite Chante gazouille grelot des neiges, hommage au passé et à l’éphémère qui guette tout un chacun. Enfin, apparaît le dernier ensemble, Une source aux veinules d’argent, écrit dans la proximité de nombreuses populations autochtones, aussi écartelées que les Sames, entre tradition et modernité.
Le livre, superbe, que proposent les éditions Cénomane, permet non seulement d’approcher un pan de l’œuvre écrite de Nils-Aslak Valkeapää (1943 – 2001) mais aussi de découvrir ses dessins, croquis, fragments où figurent herbes, steppes, portraits, animaux familiers, habits, demeures (montées, démontées) d’un quotidien saisi sur le vif.
« L’été nous le passons sur la presqu’île d’Ittunjarga
et l’hiver nos rennes sont dans la contrée de Dalvadas. »
Valkeapää, qui fut également acteur dans un film norvégien (Le Passeur de Nils Gaup) en 1988, est peu à peu devenu un modèle pour de nombreux poètes et artistes sames, Mari Boine étant sans doute aujourd’hui la plus connue.
Nils-Aslak Valkeapää : Migrante est ma demeure (traduction du same du Nord, notes et postface de M.M. Jocelyne Fernandez Vest), éditions Cénomane.
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