Ce qui frappe, d’emblée, dans l’écriture d’Albane Gellé, c’est ce
mouvement perpétuel qui non seulement se transmet de livre en livre mais
de plus s’accentue, s’amplifie, faisant bouger ses lignes avec une
apparente légèreté. Pas de rupture, de cassure, de reniements. Elle
avance, questionne. Cela remue dans des textes qui se situent
du côté de la prose poétique.
Dans un entretien publié en 2007 par la revue "Décharge" (n° 132),
elle disait être "partie dans un nouveau chantier, si nouveau que ça n’a
rien à voir avec ce que j’écrivais avant. Il ne s’agit pas du tout d’un
roman ni d’un récit, plutôt pour l’instant d’errances/pensées/poèmes
(?) qui s’étirent dans de la prose beaucoup plus longue que
d’habitude... On verra bien où ça me mène, en tout cas, jusqu’à
maintenant, je suis bien dans ce chantier-là, alors je continue..."
Lisant cela avec un peu de recul, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle parlait sans doute du long, sinueux et très clairvoyant cheminement qui allait donner Bougé(e), livre qui vit le jour en 2009 aux éditions du Seuil, dans la collection "Déplacements" que dirigeait François Bon.
Lisant cela avec un peu de recul, on ne peut s'empêcher de penser qu'elle parlait sans doute du long, sinueux et très clairvoyant cheminement qui allait donner Bougé(e), livre qui vit le jour en 2009 aux éditions du Seuil, dans la collection "Déplacements" que dirigeait François Bon.
Cette sensation d’être bien dans le travail en cours elle l’a, sans
nul doute, fortement éprouvée (la transmettant par ricochets au
lecteur) lors de l’écriture de Je, cheval , publié il y a cinq ans aux Editions Jacques Brémond. On y découvre, en courtes
proses, une complicité, une harmonie fugace mais indéfectible entre le cheval et celui (ou celle) qui prend le temps de respirer à son
rythme, de regarder à sa hauteur, d’écouter, de vibrer, de sentir...
« Le mot cheval au-dedans. Les mouvements, les muscles quand au
galop, cette chaleur dessous. Quand tout se rassemble, est rassemblé,
pour faire vivant le cheval à deux têtes que nous sommes. »
Cette connivence circule constamment dans le livre. Le besoin de
deviner ce que vit l’animal dans les différentes situations (pré, forêt,
box, champ de course) auxquelles il peut se trouver confronté s’affirme
également dans plusieurs des scènes brèves du recueil. Au final, c’est
lui, (il se présente : "je, cheval"), qui tient d’invisibles rênes et
dit (si tant est qu’il parle, et il le fait) avec son corps en éveil,
frissonnant, cognant le sol ou agitant la tête ou les oreilles, qu’on
lui fiche, simplement, la paix.
« À défaut d’être libre, il veut être tranquille, à tourner en carré,
suivre les petites lignes qu’il a tracées par terre, ses repères, son
territoire, qu’on l’oublie. »
Entre douceur et tension, Albane Gellé réussit à nouer des liens
entre le cheval ("l’animal vivant, le corps, le sauvage") et l’écriture
("l’indomptable l’équilibre l’inconnu le jamais acquis"). Le corps est
constamment sollicité. C’est lui qui résiste, s’obstine, s’habitue ou
s’incline.
« À cheval je suis d’emblée au coeur des choses, désencombrée,
réunie. Débarrassée des entraves périphériques, des noeuds stériles. Je
me rejoins, dans une extrême présence à ce qui m’entoure. Dénouée. »
Albane Gellé : Je, cheval, éditions Jacques Brémond.
Albane Gellé : Je, cheval, éditions Jacques Brémond.
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