« Il coupe la radio, ouvre la fenêtre, la ferme, allume à nouveau la
radio. Rien ne va. Rien n’est mieux. La cuisine est parfaitement vide et
sale. Comme le jour qui se lève. Comme ses yeux qu’il laisse traîner
dans la lumière neuve du jardin. »
Sa chance réside dans sa propension au rêve, dans les beaux restes de
naïveté qu’il a su garder intacts et dans son désir de capter, dès
qu’il le peut, les fragments, scènes, dessins, figures ou silhouettes
qui bougent, là-haut, en apesanteur, et qui s’offrent à lui dès qu’il
lève les yeux au ciel. Le grand ballet des nuages n’arrête jamais. Pour
ça qu’il aime le dehors. Il lui arrive même de grimper dans la cabane de
son fils pour que s’incruste encore un peu mieux en lui l’incessante
danse.
« C’est plutôt beau quand l’horizon s’énerve. Que les pistes se
brouillent. Que les nuages se dressent, se musclent, s’étendent. Qu’ils
lèvent un menton noir, défiant, en fronçant les sourcils. On sent qu’ils
ne lâcheront pas. Jusqu’à l’explosion. Jusqu’à la révolution de la
lumière. »
Joseph, malgré les apparences, ne lâche rien lui non plus. Juste un
peu prise de temps à autre, mais c’est pour mieux conjurer les aléas
d’un quotidien terre à terre qu’il transgresse à sa manière. Il y a
chez lui un instinct de survie qui lui permet de ne jamais se perdre.
Ainsi, quand il déprime, parce qu’il est seul, succède au premier
réflexe, celui du repli, un irrépressible besoin de sortir, de se mêler à
l’air ambiant, de croiser d’autres solitudes et de les frotter à la sienne.
« Il y a des moments comme ça, parcimonieux et rares, où on a l’impression de parler la même langue que l’autre. »
Ce sont ces moments vifs, étincelants, propices à la rencontre, que ne cesse de guetter Thomas Vinau.
Il les restitue avec subtilité. À coups de phrases brèves. Il
suggère. Reste un rien désinvolture. Tout au long d’un roman résolument
placé du côté des vivants qui vibrent.
Thomas Vinau : La part des nuages, Alma éditeur.
Thomas Vinau : La part des nuages, Alma éditeur.
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