Elle fuit celui qui a mis fin à leur relation amoureuse et qui aimerait
clore leur histoire en bénéficiant d’une rupture conventionnelle. Elle
n’en veut pas. Ne souhaite plus le voir. Ne peut d’ailleurs plus le
supporter. C’est pour cela qu’elle fuit l’homme chien.
« Il me renifle, m’a toujours reniflée. Mon fumet, il le connaît. Je
sais qu’il peut me retrouver à l’odeur de mes chairs. L’aigre de ma
peau. C’est un chien endurant, un chien qui ne lâche pas. Il avait ça,
l’acharnement. Je n’en veux plus maintenant. Mauvais chien. Sale bête. »
Elle trotte comme un poulain. Pour se vider la tête et pour mettre de
la distance entre son passé et son présent. Elle file vers le Nord. Son
intuition lui sert de boussole. Là-haut, la vie sera plus simple et la
peur moins prégnante. Elle va à pieds, en voiture, en train. Elle
s’arrête à Lille. Traverse la Belgique. Stoppe sa marche pour réparer
ses pieds. Repart. En chemin, elle rencontre des hommes. Fait l’amour
mécanique avec eux. Assouvit ses désirs. Continue son périple et fait
halte à Amsterdam où elle se lie avec trois frères Polonais qui
l’invitent à partager leur logement.
« Les mains des Polonais, c’est pour rire. On le fait pour ça.
L’amour en riant qui conjure. Ils le voient que j’aime. Je leur dis que
j’aime. Et c’est efficace. Ils rient. Les mains recommencent. En
ritournelle, ils rient. Chacun sa manière d’y venir, en me remerciant
d’être là. »
Tout va basculer le jour où l’un des frères revient avec un enfant,
un orphelin qui se prénomme Isaac, qu’il lui offre comme s’il s’agissait
d’un cadeau. Elle rechigne, veut refuser et finit par s’en occuper.
Elle s’en rapproche de plus en plus et reprend la route vers le Nord
(Danemark, Norvège) avec lui. Plus elle vit à ses côtés, partageant
tout, et plus elle l’aime au-delà de l’entendement, franchissant les
limites en perdant, si l’on peut dire, ce Nord auquel elle croyait tant.
« J’essaie de maintenir ma lucidité mais il est difficile de ne pas
me laisser entraîner par mon inclinaison. Le dépouillement, ici au Nord
du Monde, et cette clarté permanente calcinent mon jugement et ne me
permettent pas d’envisager autre chose que la faute. »
Elle sait que cela se terminera mal. En attendant, elle poursuit sa
lente descente. Elle galère, n’a plus d’argent et se retrouve, en bout
de course, à dormir sur les trottoirs gelés d’Oslo où elle parvient à
sauver in-extremis l’enfant qui vient de tomber malade et qui grelotte
de fièvre.
Nathalie Yot signe ici un premier roman très convaincant. Elle aligne
les phrases courtes, taillées au cordeau, offrant à son texte un flux
soutenu, alternant entre pauses et accélérations. Sa narration est
efficace. Elle jalonne de haltes précises le périple qu’elle met en
place. L’histoire est linéaire et semée d’embûches. On suit
l’itinéraire de la narratrice en même temps que ses questionnements,
ses craintes, ses pulsions et cette volonté – qui ne la quitte jamais –
de laisser son passé derrière elle afin de devenir autre. Au final, ce
sera ce présent (qu’elle est train de vivre) qui la rattrapera.
Nathalie Yot : Le Nord du Monde, éditions La Contre Allée.
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