Le calendrier possède un nombre incalculable d’histoires. Toutes sont
vraies. Chaque heure qui passe en apporte de nouvelles. Elles arrivent
de partout et alimentent un fleuve en crue que Didier da Silva a décidé
de longer à son rythme, jour après jour, en commençant par le 8
septembre, qui ouvre le calendrier pataphysique.
« Le 8 septembre est le jour de l’an, ou 1er Absolu, dans le calendrier pataphysique ; ce jour-là, en 1907, un astronome du Bade-Wurtemberg donnait le nom de Shéhérazade à un astéroïde. »
Il procède avec méthode, trois-cent-soixante-six fois de suite, pour
extraire les éléments qui, cachés en chacun de ces jours, l’intéressent
tout particulièrement. Ses choix sont bien sûr arbitraires. Ils touchent
beaucoup à la littérature, au cinéma, aux hommes volants, aux
chercheurs, aux inventeurs, aux philosophes et aux anonymes qui,
soudain, ne le sont plus. Ce sont eux, et de nombreux autres personnages
encore (la liste, impressionnante, figure en fin d’ouvrage) qui font
vivre l’agenda perpétuel qu’il propose ici.
Chaque jour recèle son lot de surprises. Au fil des ans, il se
nourrit de morts, de naissances, de faits divers, de rencontres
inopinées, de coïncidences, de hasards judicieux ou malencontreux.
Impossible pour l’érudit de tout retranscrire. Ce serait fastidieux et
inutile. Ce qu’il cherche est tout autre. Il veut simplement mettre en
relation certains événements pour bâtir une séquence (cela va de trois
lignes à une page et demie) où va se construire, à partir de faits
réels, une histoire qui n’aura rien à envier à la fiction. Ainsi le 18
octobre :
« Le 18 octobre, sans aucun doute, est le jour de la folie douce :
entre 1926 et 1960 naissent Klaus Kinski, Sylvie Joly, Jacques Higelin
et Jean-Claude Van Damme, une belle brochette de frappadingues ; en 73,
en pleine guerre du Kippour, une pro-palestinienne un peu fragile
psychologiquement (le cas n’est pas rare) détourne le vol Paris-Nice,
armée d’une carabine 22 long rifle, pour finir abattue par le GIGN sur
le tarmac de Marignane. Elle avait 35 ans. Pourquoi ce cinéma ? Elle
exigeait l’annulation de la sortie des Aventures de Rabbi Jacob, le nouveau film de son mari, le producteur Georges Cravenne (papa trois ans après de La Nuit des César),
inacceptable, selon elle, vu le contexte international. Les thérapies
de couple balbutiaient à l’époque ; la folie douce n’est pas si douce
que ça. »
Didier da Silva avance avec malice et humour, assénant quelques coups
de bâton çà et là. Il traverse l’année en empruntant des chemins
détournés. C’est dans les sous-bois de l’histoire qu’il se sent le plus à
l’aise. Dans les angles morts, dans les interstices, là où nulle caméra
ne peut aller. Il fouille dans les archives du temps. Y trouve une
matière insoupçonnée. Qu’il met en forme à sa manière. En mêlant
curiosité et inventivité.
Le titre fait référence à la faille temporelle qui marqua l’entrée en
vigueur du calendrier grégorien qui, sur décision du pape Grégoire
XIII, remplaça le calendrier julien.
« Le 15 octobre, souvenez-vous, en 1582, on reboote le calendrier :
les dix jours qui ont précédé n’ont pas eu lieu. Or, « dans la nuit du 4
au 15 », comme on n’a pas su résister au pli de le dire, expirait
Thérèse d’Avila, d’un carcinome de l’utérus (le même jour d’une même
cause mourra Delphine Seyrig en 1990). »
Didier da Silva : Dans la nuit du 4 au 15, préface de Jean Echenoz, Quidam éditeur.
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