« Il s’en fiche, de perdre. L’an dernier, il était à l’hôpital avec
un cancer. Alors, les arbres, le ciel au-dessus de sa tête : bonus...
Résultat : il joue mieux que moi. Je m’abandonne à mon tour au ciel, aux
arbres. Et au départ suivant, j’expédie ma balle... dans les fourrés. »
Sa chance, si l’on peut dire, c’est de n’avoir jamais ( ses livres
précédents l’attestent) nourri d’illusions et de ne pas connaître, sur
ce point au moins, la déception. Reste le désabusement. Très prégnant
dans ces Vies patinées, suite de brefs tableaux en prose à
travers lesquels il essaie de vivre, de rêver et de méditer au présent.
Il prend ce qui l’aide à s’évader, à se décentrer, au gré d’une scène
furtive, d’un paysage changeant, d’une sensation étrange mais agréable,
ou d’un brusque retour de bâton.
« Le malheur rend méchant. Comme un chien auquel on a retiré son os.
Le malheur des autres fait du bien... Je n’aurais jamais cru en arriver
là. J’ai la tête remplie de pus. »
Les textes de Jean-Claude Martin sont ciselés et souvent elliptiques.
Ils expriment, en creux, ce qu’il en est de vivre, de vieillir, de
tenir malgré tout. Il ne s’épargne pas mais n’en devient pas pour autant
masochiste. Il s’attache au présent. Abandonne le passé là où il est.
Et n’a pas le temps de penser au lendemain.
« Je pris les chemins détournés pour arriver à la mort. Les blés
battaient la campagne. L’air était en soie. J’avais le temps,
pensais-je... J’entrai dans le parking de l’hôpital à 18h30. "État
stationnaire", me dit l’infirmière. Les yeux mi-clos, il semblait
dormir... La lumière fuyait sur l’autoroute proche. Pas plus que le
chirurgien, la mort ne passerait ce soir. »
Jean-Claude Martin : Vies patinées, illustrations de Claudine Goux, préface d’Hervé Bougel, éditions Les Carnets du dessert de lune
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Jean-claude Martin vient également de publier Ne vous ABC jamais, un abécédaire plutôt alerte et malicieux, aux éditions Gros textes
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