Il y a eu ces guerres en lui, ces
humeurs qu’il ne pouvait dompter, cette soif inconnue que nul alcool ne
parvenait à apaiser, ce travail harassant qui usait, la fatigue qui
étreignait corps et neurones, le blues du dimanche soir, (" l’ouvrier y
tient éveillée sa peur du lendemain ") qui le ceinturait jusqu’au
matin. Il y avait sur l’un des plateaux de sa balance intérieure un
inquiétant tohu-bohu qui ne lâchait pas prise et sur l’autre un besoin
irrépressible qui germait, l’invitant à se mettre en route pour
découvrir des contrées plus lumineuses. Il fallait rompre avec ce mal
du dedans qui se propageait tout autour. Cela, cette période de sa vie,
Serge Prioul l’évoque discrètement, sans s’y attarder plus qu’il ne
faut. Mais son passé est là, qui existe et qui fonde en partie son
présent. Il est morcelé dans sa mémoire et lui dicte des choses qui " ne sont pas dans l’abstrait ". Restait à les dire, à les écrire, à
s’en extraire pour aller de l’avant. Cela ne fut sans doute pas simple
mais ces mots, qu’il a appelés et qui sont venus, qu’il a appris à
manier et à assembler, lui sont peu à peu devenus nécessaires et
salutaires.
" Un jour arrive
Où tu écris
Par curiosité
Juste pour savoir
Où va te porter l'écriture "
Le regard constamment aux aguets, tout à la fois curieux et étonné, il a vite compris que les mots, pour peu que l’on parvienne à bien s’en saisir, pouvaient s’avérer tout aussi efficaces qu’un appareil-photo pour restituer quelques-uns des instantanés qui s’offrent à nous quotidiennement. D’ordinaire, personne ne les capte vraiment. Lui, si. Qui note, sans s’épancher, en restant à sa place, en ne prenant jamais celle des autres, au fil de ses déplacements au bourg ou en ville, ou lors de l’une de ses stations en terrasse du Quai Ouest à Rennes, ce que son regard détecte et lui transmet, suscitant à chaque fois une émotion qu’il s’emploie à décrire. Il le fait avec simplicité et justesse. S’il lui arrive de fondre, il s’arrange pour ne pas se laisser submerger. Ses poèmes courts et concis ne s’écartent jamais du motif qui les a fait naître. Faute de preuves fourmille de scènes brèves, de propos entendus et judicieusement repris, de moments particuliers, de fragments de mémoire intime ou collective, de portraits ciselés, de retours sur soi, de dédicaces aux proches, d’adresses au monde ouvrier et en particulier à ses père et grand-père qui furent tous deux tailleurs de pierres. Attentif à la présence des êtres et des choses, Serge Prioul avance en collectant des bribes de réalité qu’il met en forme dans ce livre de bord très intuitif et profondément humain.
(Ce texte figure en préface de Faute de preuves)
Serge Prioul : Faute de preuves, Les Carnets du dessert de lune.
" Un jour arrive
Où tu écris
Par curiosité
Juste pour savoir
Où va te porter l'écriture "
Le regard constamment aux aguets, tout à la fois curieux et étonné, il a vite compris que les mots, pour peu que l’on parvienne à bien s’en saisir, pouvaient s’avérer tout aussi efficaces qu’un appareil-photo pour restituer quelques-uns des instantanés qui s’offrent à nous quotidiennement. D’ordinaire, personne ne les capte vraiment. Lui, si. Qui note, sans s’épancher, en restant à sa place, en ne prenant jamais celle des autres, au fil de ses déplacements au bourg ou en ville, ou lors de l’une de ses stations en terrasse du Quai Ouest à Rennes, ce que son regard détecte et lui transmet, suscitant à chaque fois une émotion qu’il s’emploie à décrire. Il le fait avec simplicité et justesse. S’il lui arrive de fondre, il s’arrange pour ne pas se laisser submerger. Ses poèmes courts et concis ne s’écartent jamais du motif qui les a fait naître. Faute de preuves fourmille de scènes brèves, de propos entendus et judicieusement repris, de moments particuliers, de fragments de mémoire intime ou collective, de portraits ciselés, de retours sur soi, de dédicaces aux proches, d’adresses au monde ouvrier et en particulier à ses père et grand-père qui furent tous deux tailleurs de pierres. Attentif à la présence des êtres et des choses, Serge Prioul avance en collectant des bribes de réalité qu’il met en forme dans ce livre de bord très intuitif et profondément humain.
(Ce texte figure en préface de Faute de preuves)
Serge Prioul : Faute de preuves, Les Carnets du dessert de lune.
Merci Jacques. Ton texte est une grande ouverture à mon recueil.
RépondreSupprimer