La maison est bâtie sur une butte. Le verger se trouve derrière,
légèrement en retrait et en contrebas. À côté, il y a le jardin, le
champ, la cabane (pour l’âne et la jument), le hangar, le tracteur, la
serre, l’appentis avec les cageots, les outils, les bouteilles. C’est
là, dans un lieu calme, bordé de haies, que vit Thierry Le Pennec. Il
cultive un hectare de pommes à couteaux dans les Côtes d’Armor.
« et grande journée d’épandage
des tourteaux de ricin tout autour des troncs
avec neveu venu
aider son vieux tonton
qui joue là son va-tout
« ça passe ou ça casse » disait Frère souvent
c’est le cas de le dire encore »
des tourteaux de ricin tout autour des troncs
avec neveu venu
aider son vieux tonton
qui joue là son va-tout
« ça passe ou ça casse » disait Frère souvent
c’est le cas de le dire encore »
Il lui faut choyer ses arbres, les tailler, les traiter, parfois
leur installer des tuteurs, faire respirer la terre qui les porte et les
nourrit, l’aérer, la fumer. Il y durcit ses muscles, y attelle son
corps. Travaille en espérant que le gel ne viendra pas griller les
bourgeons et que la femelle du charançon ira déposer ses œufs ailleurs.
« Caisses, brouette, l’échelle et les mains. Atelier primitif. À la façon dont se détache la queue, on sait que c’est mûr. »
Tout cela, labeur, récolte, et d’autres choses encore, la vie tout
entière, sa femme, ses enfants, la patience, la lenteur, l’érotisme, le
désir des corps qui ont envie de se donner du plaisir et qui s’y
emploient avec tendresse, Thierry Le Pennec l’écrit avec simplicité,
sans emphase, en une poésie subtile et élémentaire, se demandant
toutefois si ce qu’il note ainsi, par petites touches, chaque texte
trouvant sa page « comme les pas le long des Reines des Reinettes qu’on
prend le temps d’éclaircir », ne s’apparenterait pas plutôt à une sorte
de journal qu’à un recueil de poèmes.
« Chaque jour son événement il est bon de le dire. Peu importe au
fond ce que c’est s’il y a la manière, à deux mains adoptée, d’un écrit,
d’un manche d’outil, s’il advient au cerveau comme un branle une
cloche, une vibrée d’azur, de sombre météo. »
Humble, modeste, il avance à son rythme, à pas mesurés. Déroule sans
élever la voix, mais avec un timbre très personnel, des poèmes brefs
qui éclairent des moments familiers ou particuliers de sa vie et de
celles de ses proches. Il se sait relié aux autres, le dit et s’en
réjouit souvent. Il évoque ceux qui, comme lui, cultivent en solo leurs
parcelles et qu’il rencontre lors d’un comice agricole ou d’une
manifestation, ou pour un coup de main ou un coup de cidre. Il fouille
dans les archives mémorielles des hameaux, y retrouve trace des hommes
qui se sont échinés ici bien avant lui. Il y a longtemps que la terre a
bu leur sueur mais elle se souvient toujours de leurs ombres. Ces faits
infimes s’ajoutent à ceux qui naissent du présent. Certains déboulent
d’’Inde ou d’Amérique. Tous alimentent les écrits d’un poète qui
travaille au verger tout en restant attentif aux échos du monde qui
l’entoure.
« chaque fois que je tourne
un poème au tracteur me revient
la pensée d’une ornière un arbre
que le vent coucha là sur le bord »
un poème au tracteur me revient
la pensée d’une ornière un arbre
que le vent coucha là sur le bord »
Thierry Le Pennec : Un tour au verger, éditions La Part Commune.
On peut également lire Thierry Le Pennec dans Jour de marché (Le Chat qui tousse) où il évoque les matins passés derrière l’étal à vendre ses pommes et dans Pré poèmes et pommes
(éditions Potentille) où il dit, en une suite de poèmes courts, ce
qu’est son quotidien de cultivateur et la force intérieure qu’il y
puise.
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