« Je pars le cœur tapant prendre le train en marche
Pile au signal sonore monterai mon bagage avec ma vie entière
Sur les rails je penserai à toute vitesse au bonheur étrange de sentir mon poids de chagrin lancé par des plaines jamais vues
J’apercevrai peut-être un vrai oiseau dont on me dira plus tard que c’était un hiatus »
La langue, inventive, aime s’appuyer sur les syllabes. Elle y trouve
des relais, assemble des mots qui ont peu l’habitude de se toucher ainsi
et crée instantanément des raccourcis qui apportent leur pierre au
chant tout en influant gaiement sur le sens (voire le double sens) de la
phrase. Elle imagine, elle évoque, elle pense à ses proches et aux
autres, elle s’adresse à Desnos ou à Apollinaire, elle dit ce qu’elle
doit, ce qu’elle espère, ce qui revivifie constamment son allant, son
énergie, son besoin de vivre avec intensité.
« Je pense aux personnes à merveille dans ma vie mes frères loin mes
potes en allés mes jamais rencontrés je pense au cœur de ma mère
solitaire je pense sur la tête de mon père je pense à mes aïeux en rangs
d’oignons dessous la terre je pense à ma grandmère sempiternelle qui
avait le blues toujours dans sa vieille blouse »
Elle va où tous les autres inévitablement vont mais n’emprunte, pour
s’y rendre, que des chemins détournés, un peu sinueux, qu’elle invente
au fil du poème, y glissant tristesse, douceur, tendresse et beaucoup de
sentiments contradictoires qu’elle associe à sa manière. Si elle
s’arrête en chemin, ce n’est jamais pour très longtemps, et uniquement
pour mieux repartir, sûre d’avoir pu saisir en un temps très bref ce qui
foisonne en elle (et autour d’elle) au quotidien, désireuse, quoiqu’il
arrive, de poursuivre sa quête en réactivant cet étonnement qui la
porte et qui maintient, intact, le fil qui la lie à son enfance.
« Me revoilà en train de plus belle sur les rails
J’aurai roulé ma vie
Foncé dans ma charrette songé dans mon tonneau
Tracé mes cartes de tendre
Et mon esprit de ciel si j’en ai ira bien jusqu’au bout de sa peine jusqu’au bout de sa joie partante à vos marques prête »
Valérie Rouzeau, Va où, collection la petite vermillon, La Table Ronde.
J’aurai roulé ma vie
Foncé dans ma charrette songé dans mon tonneau
Tracé mes cartes de tendre
Et mon esprit de ciel si j’en ai ira bien jusqu’au bout de sa peine jusqu’au bout de sa joie partante à vos marques prête »
Valérie Rouzeau, Va où, collection la petite vermillon, La Table Ronde.